Troll de train

Bon, il pleut.

Nous prenons le train depuis Paris pour rentrer retrouver nos enfants. Forcément, dans notre compartiment, à côté de nous en fait, il y a une gentille famille avec son bébé de un an prénommé « Solal ».

Alors là, je voudrais que nous prenions quelques instants pour nous souvenir des jolis prénoms qui ont peuplés notre enfance. Tous ces Marcel, André, Gustave hélas disparus. Où sont passés les Gérard et autres Roger qui ont enchantés nos tendres années. Trouvera-t-on encore les Gertrude, Huguette, Henriette et Jacqueline que nous affectionnions tant. Tous ces prénoms fleuris attachés à une tata qui piquait un peu du menton et à un tonton qui nous pinçait la joue. La douce odeur de la lavande qui flottait autour de la robe violette à fleurs jaunes et qui faisait que si on restait trop longtemps à coté de tatie Ginette, on avait mal à la tête. Tous ces odeurs attachées à ses prénoms, celle de la ferme et de ses bouses, de la fumée dans la cuisine, vu que l’évacuation du poêle était pas top, mais couverte par l’odeur de la friture. Il y avait toujours un truc qui cuisait dans trop d’huile. C’était des légumes ou des pommes de terres mais toujours avec assez d’huile pour que vos artères se bouchent dans la minute. Il y avait l’odeur de fritures dans la cuisine et dès qu’on sortait c’était l’odeur de la ferme et des  déjections des différents animaux présents qui non contents de vous polluer l’atmosphère, vous couraient dans les pattes quand ils ne venaient pas vous pincer le mollet.

Et les petits gâteaux qu’elle nous offrait tatie. Des petits gâteaux secs dans une boite fer dont on ne saura jamais s'ils étaient périmés depuis vraiment longtemps où si c’est la boite en fer qui leur donnait ce goût et cette texture si particulière. Mais on les mangeaient tous pendant que d’un geste à peu près précis, elle coupait la tête du poulet ou retournait la peau du lapin devant nos yeux apeurés. Après on piquait des plumes du poulet et on allaient jouer aux indiens.

Ah ! Que de souvenirs.

Bon revenons à Solal. Déjà, il n’est pas gâté au niveau du prénom, mais bon. Mais voilà que pendant que j’écris, je lève les yeux vers lui. Il me regarde, me fait un grand sourire, je souris aussi et replonge dans l’écriture. Un peu plus tard, je l’entends râler, je relève les yeux et je m’aperçois soudain qu’il est un peu moche, on dirait un troll. Quoi ? On n’a pas le droit de dire d’un enfant qu’il est moche ? Oh, vous l’avez tous pensé une fois ou deux dans votre vie. Le truc, c’est qu’on ne dit pas à des parents que leur bébé n’est pas très mignon, on trouve autre chose, on contourne le problème, on dit qu’il a une bouille rigolote ou qu’il a de bonnes joues, mais on dit pas qu’il est moche même si on le pense très fort.

Après, beaucoup de bébés moches deviennent de beaux adultes. Moi, ma maman trouve que j’étais très joli tout petit, vous voyez, dans l’autre sens aussi ça marche. Et puis sur ces entrefaites, le papa du petit troll est revenu de sa fuite dans le wagon bar et là j’ai compris que son fils lui ressemblait beaucoup. C’est sûr que c’est lui le père, mais bon, des fois la génétique n’est pas notre meilleure amie.

Enfin, après un long voyage nous sommes arrivés chez les parents de Carole pour récupérer nos enfants. Tout mignons, tout en forme et de bonne humeur nos enfants nous on accueillis en nous sautant dans les bras. Ça fais plaisir de les revoir, ils nous manquaient  vraiment. Tristan est tout beau avec ses cheveux courts (presque autant que moi) et Louise n’a pas arrêté de parler depuis notre retour, ça m’a presque manqué ça, presque.