Les notes de l'hiver

Au milieu de la nuit j'écoute de la musique. 

Un piano, un violon et un violoncelle. Il n'en faut pas plus. Les notes du piano tombent comme les gouttes d'eau d'un toit enneigé, le violon plane lentement en flocons légers et le  violoncelle est tout autant le ciel très blanc des jours de  neige que vent d'hiver qui fait danser les flocons dans la nuit froide. C'est l'hiver cette musique, froid et humide, vide de toute vie. Un hiver où la neige camoufle pudiquement les arbres mis à nus par l'automne . Un paysage blanc des montagnes de mon enfance.

Et à nouveau la danse. Celle des notes qui montent du piano, comme des bulles, celles du violon qui ressemblent à un ruban de couleur qui tourne dans les bras du vent. Et le violoncelle... Je crois que l'univers danse au son du violoncelle. Il est tout à la fois la musique et la vibration universelle, la voix profonde d'un cosmos ancien. Les notes du violoncelle ne dansent pas, elles sont ce qui porte la danse. 

Et la musique soudain accélère, la neige qui virvoltait tombe alors en tempête, les flocons frappent les murs, le vent glacé se lève et fige dans la glace les derniers végétaux.

Puis lentement tout s'apaise et de la tempête la musique ne garde plus que quelques échos lointains qui se perdent. Le violoncelle alors joue un monde glacé, l'hiver blanc et mort ou même le bruit semble se déplacer avec difficulté. Et pendant une éternité le son grave et mélancolique du violoncelle laisse régner l'hiver.

Un piano, un violon et un violoncelle. Du premier cri au derniers instant, du violon facétieux aux dernières notes de piano, tout tient dans ses trois instruments. Tout n'est que danse, tout n'est que musique. Et la dernière note de violoncelle dure le temps du souvenirs que nous laissons. Trace dans la neige recouverte  bientôt. Puis le silence.